Ultra Mirage 2018 : Récit de Motaz Mejri

Mon corps est ici à Tunis mais ma tête court encore dans le désert !

Photo: Ian Cortess
Épuisé, j'ai mal partout. Mes muscles sont très contractés. Je vous jure qu'avec chaque inspiration d'air je sens la douleur dans mes côtes.
Même si c'était mon deuxième ultra de 100 km je n'arrivais pas à croire ce que je venais de réaliser, c'était pas difficile.. Ce n'était pas uniquement dur, c'était la souffrance !

J'ai le plaisir de vous raconter dans ce petit récit ma course de 100 km au cœur du désert.

La veille de la course, comme d'habitude Tunisair a fait son retard sur le vol Tunis Tozeur prévu a 17h30 mais l'avion a décollé réellement à 21h. Je me trouve ainsi avec moins de 4 heures de sommeil sur la ligne de départ pour affronter 100 km mais j'ai honte de parler de ça quand mon ami Oussama a passé sa journée presque dans le transport, du Gabon a Paris, puis de Tunis à Gafsa et puis enfin vers Tozeur. Finalement, il a terminé sa course comme un vrai champion!

À 5h30 du matin, le bus s'est dirigé vers le décor de star Wars à Ong Jmal; le lieu de départ de la course. Un trajet d'une heure presque tout en écoutant "Conquest of paradise" avec mes écouteurs et là je suis dans un autre monde avec mes rêves. J'ai peur.. Je commence à me concentrer.. Le départ est en moins de deux heures!






Photo: Ian Cortess


Sur la ligne de départ, des moments de doute, des yeux dans le vide, des bénévoles souriants et très généreux.. Et Hop 7h du matin top départ !

J'étais vraiment très heureux de parcourir les premiers 10 kilomètres avec les athlètes élites; les frères marocains Elmorabity le norvégien Sondre et surtout le seul champion à mes yeux Emir. On rencontre rarement ces hommes sur un terrain de course ! Donc j'ai profité le maximum de leur présence et c'était du pur Bonheur. Après chacun a pris son rythme selon son niveau et ses compétences.

Photo: Ian Cortess


J'ai gardé une allure assez rapide dont l'objectif est de profiter de la fraîcheur matinale pendant les 20 premiers kilomètres. Je suis arrivé au CP1 frais, tout le monde sourit et applaudit. J'ai remplis mes gourdes d'eau et je suis reparti sous les cris de mon ami Ghofrane "Allez Motaz champion du monde " c'était très encourageant!

26 km ça commence à chauffer petit à petit, j'ai ralenti pour bien gérer cette chaleur jusqu'au CP2. Je suis maintenant au 30 ème kilomètre.. Bonne nouvelle; le muscle ischio jambier commence à faire mal. Une douleur moyenne risque de s'aggraver dans les prochains kilomètres de la course, je commence à stresser..Mais ça va je contrôle la situation..tout va bien.
En arrivant au deuxième point de ravitaillement. J'étais fatigué. J'avais des problèmes gastriques. les mollets étaient contractés ainsi que les quadriceps. Ça commençait à chauffer vraiment à ce moment.

Découragé j'ai repris ma course pour terminer les 65 kilomètres restants.
En sortant de l'oasis, j'ai tout de suite foncé dans le sable. Courir sur un terrain de cette nature est très fatiguant et vraiment difficile voire impossible.
Il faisait chaud, je courais. j'essayais de m'adapter avec le sable et Hop tout d'un coup une douleur très aiguë apparut au genou. Je crois que le syndrome de l'essuie glace est ravivé. J'étais seul au milieu de nulle part dans le désert. J'ai crié "Oh mon dieu NON..Mon DIEU.. pas maintenant ça sera la fin.. PITIÉ !"
J'avançais tout doucement et la douleur s'aggravait. Ça piquait encore et encore.. Une douleur très aiguë. J'avançais et la douleur devenait insupportable. Je commençais à galérer et à souffrir, mes larmes s'écoulèrent sur mes joues.. Bienvenue en enfer !!

Ma réserve d'eau s'est épuisée. Il faisait très chaud. je pleurais avec chaque pas, je ne pouvais qu'avancer ou mourir de soif dans le désert sous un soleil de plomb. C'était la partie la plus dure c'était la mort.
A ce moment J'avançais pour un seul objectif: arriver au CP3 (50 km) et abandonner ma course.

Je suis arrivé au point de ravitaillement dans un état catastrophique, épuisé et déshydraté avec des douleurs très intenses et des muscles sollicités et contractés.

"je vais abandonner, j'en peux plus. c'est fini"

C'étaient mes premiers mots avec un moral au plus bas. J'ai vu les regards inquiets de mes amis bénévoles qui étaient présents sur place. J'étais vraiment très déçu et triste. Je vais lâcher !

Je vous remercie un par un; Maha, Faten, Mahmoud et Khaled mes chers amis qui m'ont pris en charge en arrivant au CP3. Ils ont enlevé mes chaussures, changé mes chaussettes, fait un massage, remplis mes gourdes, m'ont donné de la nourriture. Ils ont également essayé de me rendre le sourire, me remonter le moral pour continuer mon chemin, ne pas abandonner et finir ma course. Mais j'étais à un stade de fatigue très avancé.. Je souffrais .. J'avais envie de pleurer mais je cachais mes larmes devant mes amis .

Je suis resté allongé longtemps par terre, j'ai pris deux comprimés d'ibuprofène et J'ai fini par prendre la décision de continuer la course !

Cette fois-ci.. C'était ni le physique.. Ni le mental, cette fois ci c'était le CŒUR . De très beaux souvenirs apparaissaient tout d’un coup, mon cœur battait très fort, mes yeux étaient bien ouverts ! j'allais continuer! Je me disais, je vais continuer pour une seule raison; aux beaux yeux de ma chérie, pour la voir aussi heureuse et fière !

Je dédie d'ailleurs cette réussite à ma bien aimée. Je t'aimais, je t'aime et je t'aimerai.

Tout le monde applaudit. Tout le monde m'encourage.. J'ai repris l'aventure et je suis reparti en trottinant avec beaucoup d'espoir, même si à ce rythme je ne pouvais qu'à peine terminer dans le temps limite de la course.
L'objectif a changé maintenant. Je ne voulais plus abandonner ma course mais la terminer quoi qu'il arrive.

Un kilomètre plus tard. je me suis arrêté.. Encore du sable très fin, des dunes et c'était très dur de gérer après plus de 7 heures d'effort.
la douleur était encore présente et l'ischio jambier me piquait encore. Les quadriceps étaient très sollicités, les mollets très contractés et surtout mon genou. Il me faisait très mal. On aurait dit qu'un clou le bloquait ! Deux autres comprimés d'anti inflammatoire et je continuais mon chemin. Ça y est la ligne d'arrivée est bien dessinée dans mon esprit.

En avançant à une allure lente vers le CP4 (65KM), j'ai commencé à reprendre petit à petit mes forces. Enfin la partie monotone et très ennuyeuse vient d’être achevé. J'ai enlevé mes chaussures et je les ai vidé du sable. Il y en avait une grosse quantité à l'intérieur, même dans mes chaussettes.
je voyais le prochain point de ravitaillement. le mental est réveillé. Je courais jusqu'au CP4 et là j'ai retrouvé des coureurs qui étaient contents de mon retour. Ils étaient heureux de me voir encore dans la course. J'ai vite rempli mes gourdes, avalé deux gels énergétiques et j'ai repris mon chemin vers le dernier CP (km80).

Des lignes droites interminables, bouffé par les mouches mais je commençais à retrouver du plaisir dans ce calvaire
Je commençais à retrouver mon rythme et ma force. Je cours de nouveau ! Oui je cours !
J'ai dépassé beaucoup de coureurs qui m'ont dépassé auparavant. J'ai alterné ensuite entre course et marche rapide jusqu'au 80ème kilomètre (CP5).

Un très beau coucher de soleil et des dromadaires a gauche et à droite en finissant cette partie du parcours. C'était magnifique !

Photo: Ian Cortess

Photo: Ian Cortess



En arrivant au dernier point de ravitaillement. La nuit commença à tomber. J'ai lavé mon visage, allumé ma torche et demandé à un de l'équipe organisatrice de me donner mon classement actuel. Il m'a dit que je suis 26 ème. Je me suis assis. J'ai mangé les sandwichs préparés par ma chère mamie Lamia et je me suis dit "Maintenant je suis dans la course, je suis revenu de loin.. de très très loin. il faut que j'arrache une place dans le top 20 du classement général coûte que coûte"

J'ai terminé mes sandwichs, bu de l'eau et remplis mes gourdes.
J'ai fermé les yeux, pris un souffle profond et je suis reparti avec beaucoup de courage et de confiance en soi.
Le ciel était bien habillé par de très belles étoiles. Un paysage très joli.. c'était magique !

J'ai couru toute la dernière partie du parcours du 80 ème jusqu'au 100 ème km sans arrêt. Je continuais à dépasser plusieurs coureurs, mes jambes me suppliaient de m'arrêter ou même de marcher un peu et de récupérer tellement j'ai souffert. Cependant, comme j'avais dit, ça y est la ligne d'arrivée est bien dessinée dans ma tête. La joie de la franchir. Le sourire de mes amis qui m'attendaient la bas et les autres derrières leurs écrans et ma famille. Tout est bien dessiné dans ma tête !

Et voilà, je commençais à voir la lumière et l'arche de l'arrivée. Quelle joie! Quelle fierté ! Je ne dis pas ça par arrogance mais je le dis tout fier avec beaucoup de satisfaction. Je n'arrive pas à croire ce que je viens de faire. Je suis revenu de loin et j'ai réussi à terminer 19 ème dans le top 20 si j'ai bien compté.

Photo: Ian Cortess


Le grand Taz est revenu de loin! Je viens de réaliser une course historique. Une fin de course royale en 13heures 58 minutes 11 secondes. Je suis très fier de moi.
J'ai franchi la ligne d'arrivée avec beaucoup d'émotion, beaucoup d'amour, de joie et de bonheur.
Quelle aventure! Je suis là !! J'existe!!

Je n'ai pas arrêté de penser à toi. JE T'AIME ma belle




Je resterai toujours fidèle à mon club où j'ai commencé les premiers pas de ma passion. Je suis très reconnaissant à vous tous mes amis. MERCI pour le soutien, pour vos messages et vos encouragements..Votre gentillesse a été grandement appréciée.

Enfin je félicite chaque coureur venant de réaliser cet exploit surhumain. Vous êtes des héros et à
bientôt pour un nouveau défi !

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